#Moiaussi : Employeurs, quelles sont vos obligations?

J’ai 15 ans. Je viens tout juste de commencer mon premier emploi dans un Dunkin Donuts. Bobby le livreur, qui est aussi le mari de la gérante, ne cesse de me questionner sur ma vie sexuelle, il tente à plusieurs reprises de me toucher les seins et les fesses. Il dessine des organes génitaux avec de la crème pâtissière sur les comptoirs et me fait des blagues complètement déplacées. Je me plains à mon patron…plusieurs fois. On me répond que je n’ai pas le sens de l’humour. Je finis par perdre mon emploi sous prétexte que je ne souris pas suffisamment.

J’ai 25 ans. Je suis consultante en personnel et suis enceinte jusqu’aux oreilles. Pourtant, un collègue ivre s’avère très insistant lors d’un party de Noël. Je me suis éclipsée très tôt ce soir-là.

J’ai 30 ans. Je suis directrice pour une agence de placement. Avant de me rendre en rencontre pour faire une visite d’usine avec une collègue, mon client m’avise bien de ne pas nous mettre en jupe. Non pas pour des raisons de sécurité, mais pour ne pas « provoquer » les employés et ainsi les détourner de leur travail. La victime potentielle devient ainsi la responsable potentielle. Nous avons obéi.

J’ai 35 ans. Je suis consultante et coach en management. L’un des cadres chez l’un de mes clients me fait des avances à peine voilées, harcèle constamment une autre employée, tandis qu’un autre employé me siffle dès qu’il en a l’occasion. Plus ça change, plus c’est pareil. Sauf que cette fois, j’ai parlé et j’agi haut et fort!

Cessons de fermer les yeux!

Il n’y a pas que les travailleurs de l’industrie de la culture qui soient victimes de harcèlement sexuel. Ces histoires se passent dans tous les milieux de travail. Comme les poux, les gens aux comportements déviants ne font pas de discrimination chez leurs victimes : riche ou pauvre, cadre ou employé, homme ou femme, jeune ou moins jeune. Chacun d’entre nous, peut, un jour ou l’autre, être l’une de ces victimes. Et il faut que ça cesse.

À quoi reconnaît-on le harcèlement sexuel?

Au sens de la Loi sur les normes du travail, le harcèlement psychologique constitue « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. ». (Art 81.18)

Par ailleurs, tel que décrit par Me Anne-Marie Plouffe de la CNESST, le harcèlement sexuel pourrait notamment se présenter sous les formes suivantes :

  • des contacts physiques non désirés, tels que des attouchements, des pincements, des empoignades, des frôlements
  • la sollicitation de faveurs sexuelles non désirées
  • des commentaires inappropriés d’ordre sexuel, des remarques sur le corps de la victime ou sur son apparence, des plaisanteries qui dénigrent l’identité sexuelle ou l’orientation sexuelle de la victime
  • des questions intimes
  • des regards concupiscents, notamment dirigés sur les parties sexuelles de la victime
  • des sifflements
  • l’affichage de photographies pornographiques.

Les obligations de l’employeur

L’employeur doit fournir un lieu de travail sans harcèlement psychologique ou sexuel. Bien qu’un employeur ne puisse garantir qu’il n’y aura jamais de harcèlement psychologique dans son entreprise, il a l’obligation de prendre les moyens nécessaires pour prévenir le harcèlement et agir pour mettre fin à tout harcèlement dès qu’il en est informé.

De plus, l’employeur doit déployer des pratiques de gestion visant à prévenir le harcèlement en milieu de travail. Par exemple, il doit mettre en place un mécanisme connu et efficace lui permettant d’être informé de ces situations et de les traiter objectivement et rapidement afin de les faire cesser.

Bien entendu, le harcèlement sexuel peut être présent à tous les échelons de l’entreprise : de patron à employé, d’employé à patron et entre collègues. Mais il faut aussi prendre en compte que le harcèlement peut impliquer des acteurs externes à l’organisation : client, usager, fournisseur, visiteur, etc. L’employeur peut aussi être tenu responsable du harcèlement sexuel survenant lors d’activités ou d’événements qui se passent en dehors des heures de travail ou des murs de la société, si ces activités sont liées au lieu de travail et à l’emploi de la personne contrevenante.

Finalement, l’employeur doit informer tout son personnel qu’il s’engage fermement à prévenir et à faire cesser tout harcèlement au travail et il le lui rappeler régulièrement.

Quelques mesures de prévention

Plusieurs mesures préventives peuvent être mises en place afin d’éviter ce type de situations déplorables ou de les dénoncer vivement afin de dissuader les harceleurs potentiels. La conscientisation et l’éducation sont sans doute vos meilleures armes. Ainsi, vous devriez ou pourriez selon le cas :

  • Élaborer et diffuser une politique claire et efficace sur le harcèlement incluant un mécanisme de dénonciation et traitement des plaintes.
  • Instaurer un code de civilité.
  • Former l’ensemble des employés sur le harcèlement et la civilité au travail.
  • Former dirigeants, gestionnaires et leaders sur le sujet afin que tous aient une conduite exemplaire.
  • Sensibiliser les gens de façon constante : mémos, affiches, courriels, etc.
  • Aborder le sujet lors de rencontres formelles ou informelles.
  • Introduire la civilité dans les exigences lors de l’évaluation de performance.
  • Utiliser des mesures administratives ou disciplinaires en cas de besoin.
  • Nommer un ombudsman.

Bref, le message provenant de la direction doit être clair. Les actes de harcèlement, qu’il soit psychologique ou sexuel, et la violence sont inadmissibles au sein de l’entreprise. Et le harcèlement sexuel ce n’est pas du flirt. C’est un acte de violence qui abaisse et humilie.

Josée Marcotte, M.Sc, CRHA, PCC