Le leadership a-t-il un genre?
Ouf, la grande question!
Depuis quelques années déjà, émergent toutes sortes d’initiatives visant à soutenir le leadership des femmes telles que l’Effet A et l’événement Femmes Leaders propulsé par le Journal Les Affaires pour ne nommer que ceux-là. Différentes organisations en font leur mission comme le Réseau des femmes d’affaires du Québec ou La Gouvernance au féminin. Même les universités et organismes de formation s’y sont mêlés en offrant maintenant des certifications et de la formation continue en leadership au féminin. On en parle comme s’il s’agissait d’une forme de leadership particulier et spécifique.
Et si plutôt, il s’agissait d’une question d’individu et de culture?
Qu’est-ce qu’en dit la science?
Une thèse de doctorat récente intitulée « L’impact du genre sur les traits de personnalité des leaders et les effets sur leur style de leadership » rédigée par la chercheuse française Sarah Saint-Michel est sans équivoque : Il n’y a pas de différence majeure entre les dirigeants hommes et femmes. Leurs traits de personnalité et leur style de leadership sont les mêmes.
Le sexe n’est pas une variable pertinente.
Pour en arriver à ces conclusions, Mme Saint-Michel a compilé les résultats de 25 enquêtes européennes et américaines sur les qualités attribuées à quelque 20 000 cadres dirigeants, 12 593 hommes et 7 016 femmes.
Les collaborateurs interrogés à travers cette étude sur la manière dont ils sont dirigés par leur patron ne font aucune distinction entre les sexes. Bref, ils perçoivent de la manière leurs supérieurs hiérarchiques, hommes et femmes, tant en termes de style de leadership que de trait de personnalité.
« Ces résultats remettent en cause l’idée d’un leadership au féminin caractérisé par des compétences présupposées féminines, telles que la bienveillance ou l’altruisme, qui conduiraient les femmes à diriger et mener leurs équipes différemment de leurs homologues masculins considérés, eux, comme plus déterminés. »
Pourtant ces affirmations prolifèrent tant dans les milieux de travail que dans la société civile en générale. Celles-ci mènent tantôt à rejeter les candidatures féminines, lorsque l’on recherche un profil fonceur et compétitif par exemple, et à d’autres moments à les promouvoir lorsque l’organisation est à la recherche de la perle empathique et bienveillante.
Or, au terme de cette recherche, il s’avère que les femmes sont des leaders comme les autres. Le mythe persistant selon lequel il existe une rupture marquée entre le leadership féminin et masculin est très certainement préjudiciable tant pour les femmes que pour les hommes puisqu’il contribue à renforcer les stéréotypes sexistes qui sont à la fois dénoncés par les penseurs en management, mais aussi utilisés à des fins mercantiles par les maisons d’enseignement.
Pourquoi une telle confusion?
La source de cette confusion se trouve probablement dans le processus de socialisation. En effet, l’enquête démontre également certaines différences dans l’exercice du leadership, mais ces différences ne seraient pas attribuables au genre biologique de la personne exerçant du leadership, mais bien de la manière dont elles perçoivent l’exercice de leur propre leadership.
Ainsi, nous faisons l’apprentissage de rôles sociaux au cours de notre vie. Il est généralement attendu d’un homme qu’il fasse preuve de courage, d’autorité et qu’il soit centré sur les objectifs à réaliser, comme on attend d’une femme qu’elle fasse preuve d’écoute, de douceur et soit plus sensible aux relations interpersonnelles. Nous intégrons ces rôles qui deviennent des stéréotypes de genre. Les femmes apprennent donc à exercer une forme de leadership qui sera légitimé par la société. Le même acte managérial sera perçu différemment de s’il est le fait d’un homme ou d’une femme.
Voilà pourquoi on affirme à tort qu’il existe un leadership féminin différent du leadership masculin. Tout cela n’est que le résultat d’une construction sociétale artificielle, basée sur des comportements acquis et conformistes et non innés.
Et si on parlait de leadership, POINT?
Si l’on souhaite porter le leadership plus loin, lui redonner ses lettres de noblesse et en faire l’outil de transformation dont nous rêvons tous, leaders et collaborateurs, il devient primordial de rompre avec les stéréotypes de genre. L’agilité, l’ambition, la gestion de soi, le sens politique, la capacité à prendre des risques, l’altruisme, la bienveillance, la flexibilité et la créativité ne sont pas l’apanage des hommes ni des femmes. Ce sont des qualités asexuées que tous les leaders d’aujourd’hui doivent développer pour faire face à un monde en perpétuel changement.
Il est dangereux de catégoriser le leadership en fonction de sexe, comme il est peu avisé de stigmatiser certaines générations ou encore de prêter des traits de personnalité à des gens d’autres origines. Nous sommes avant tout des individus avec nos forces et nos zones de vigilance. Nous portons tous des qualités en apparence plus masculines ou d’autres, plus féminines.
L’égalité professionnelle naîtra de l’évolution des mœurs quant à la légitimité des femmes au pouvoir et lorsque nous aurons trouvé un meilleur équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle et non de la différenciation entre les sexes.