La discrimination à l’embauche: pourquoi et comment créer un climat de diversité?
Il possède un BAC en gestion des ressources humaines de HEC Montréal. Il cumule plus de 12 ans d’expérience dans son domaine à l’international et au Québec, notamment dans des postes de direction. Il est parfaitement bilingue. Ses supérieurs et collègues ne tarissent pas d’éloges à son sujet. Il est polyvalent et articulé. Il donne des conférences. Il désire relever de nouveaux défis. Son CV est éloquent et a été revu par des professionnels. Des centaines de mises en candidature, mais il n’a toujours reçu aucun appel…pas même une entrevue téléphonique. Mais qu’est-ce qui cloche me direz-vous? Il est musulman.
La discrimination à l’embauche : encore bien présente!
La discrimination à l’embauche existe bel et bien encore au Québec en 2016 et non seulement le phénomène est loin d’être marginal, mais il n’est pas non plus l’apanage des petites entreprises installées en région. Une étude réalisée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en 2012 montre d’ailleurs que les chercheurs d’emploi de la région de Montréal ont 60 % plus de chances d’être invités à un entretien d’embauche s’ils possèdent un nom franco-québécois plutôt qu’africain, arabe ou latino-américain.
De nombreuses croyances sont à l’origine de la discrimination ethnique : il y a un décalage au niveau du bagage académique, l’expérience acquise ailleurs n’est pas équivalente à celle acquise ici, les candidats venus d’autres origines ne sont pas suffisamment compétents ou encore surqualifiés, certaines cultures s’intègrent moins bien que d’autres, ils ont de la difficulté à s’adapter à nos façons de faire et à notre rythme de travail, les autres employés vont leur faire la vie dure, l’entreprise n’est pas prête à les accueillir, il en coûte plus cher de former et d’intégrer une personne immigrante, alouette!
Or, les compétences n’appartiennent pas à une communauté et le talent est individuel. Le talent n’a pas de couleur, de sexe, de race ou de religion! Le talent appartient et caractérise celui qui le porte et le développe. Et cela, ne s’évalue pas à la simple prononciation d’un nom ou à la lecture d’un CV. Mes 15 ans d’expérience en recrutement m’ont appris qu’un jugement aussi hâtif était bien mal avisé et que nombre de cancres savaient se camoufler derrière un Cv aux apparences parfaites! Avant de juger, il faut prendre le temps de connaître et de comprendre, même si cela signifie nécessairement d’investir davantage de temps et d’énergie dans le processus.
Les défis et avantages de la diversité
Bien sûr, la diversité en entreprise implique de nombreux défis tant individuels, collectifs, qu’organisationnels et peut être une arme à double tranchant. Certaines études démontrent qu’elle peut à la fois être source d’insatisfaction, de conflits et de démotivation pour les individus et les gestionnaires, puisqu’il semble que les membres d’une équipe diversifiée communiquent moins bien entre eux, sont moins coopératifs et que les dissensions sont fréquentes.
D’autre part, elle permet de dynamiser les équipes, de les rendre plus créatives et plus souples face aux nouveaux impératifs du marché. Ainsi, c’est au niveau des équipes de travail que l’on peut constater véritablement les bienfaits de la diversité au niveau de la résolution de problèmes notamment. La pluralité des points de vue amène un plus large éventail de possibilités et de perspectives nouvelles pour l’équipe qui contribue à augmenter la qualité des solutions proposées.
De plus, dans une économie où la pénurie de talents menace les organisations, aucune d’entre elles ne peut se permettre de négliger une fraction aussi importante du capital humain disponible. Il est impératif que les entreprises s’adaptent à cette réalité et mettent en place un climat organisationnel favorable à la diversité dès maintenant, parce que celles qui ne le feront pas s’en trouveront encore plus désavantagées lorsque que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée s’accentuera. On estime à plus d’un million de postes disponibles au Québec d’ici 2021 en raison des départs à la retraite, sans parler du désir d’expansion des entreprises. L’intégration des immigrants qualifiés devient essentielle.
Créer un climat de diversité
Un climat de diversité se définit et se construit à partir d’un ensemble de politiques, de pratiques et de comportements qui influencent positivement l’intégration de la main-d’œuvre diversifiée en milieu de travail.
Au niveau individuel, il faut travailler sur les préjugés et stéréotypes qui influencent les attitudes et comportements des recruteurs, gestionnaires et décideurs en milieu de travail. Tandis que les préjugés représentent davantage une aversion ou une peur de l’autre en raison de sa différence, les stéréotypes reflètent la tendance naturelle de l’être humain à catégoriser l’information. Dans les deux cas, l’effet demeure l’exclusion d’une certaine catégorie de personnes lorsque vient le temps de recruter et sélectionner le personnel. Il faut former davantage les acteurs internes à la diversité culturelle et multiplier les occasions d’échange avec les communautés afin de faire tomber les barrières érigées par la méconnaissance.
D’un point de vue collectif, il apparaît clairement que les bénéfices de la diversité se manifestent lorsqu’une certaine cohésion a été atteinte. Pour ce faire, les gestionnaires doivent instaurer une dynamique d’équipe où chacun des membres se sent en confiance vis-à-vis de ses pairs, où les rôles et responsabilités sont clairs pour tous et que l’équipe soit organisée autour d’un objectif commun. Le travail d’équipe est le fruit d’efforts soutenus de la part du gestionnaire. Il doit apprendre à tirer profit de la complémentarité des différences des membres de son équipe et générer un sentiment d’appartenance en amenant les gens à connaître l’être humain qui se cache sous le collègue. Or, les gestionnaires ont besoin d’outils pour accomplir une tâche qui peut paraître simple, mais qui ne l’est pas tant. Le coaching d’équipe et les activités de « team building » peuvent s’avérer des moyens intéressants dans ce contexte. Il faut toutefois se rappeler que l’esprit d’équipe se construit quotidiennement et non grâce à un boot camp par année!
Sur le plan organisationnel, plusieurs obstacles à la diversité se trouvent au cœur même des pratiques formelles ou informelles de gestion des ressources humaines. Instaurées par une main-d’œuvre historiquement homogène, ces pratiques de gestion traditionnelles doivent être revues dans certains cas pour y apporter plus de souplesse, ou encore pour y ajouter de la rigueur. Par exemple, il faut s’assurer d’un traitement plus objectif des candidatures reçues, mettre en place des mesures d’accès à l’égalité, revoir l’utilisation de certains tests psychométriques qui sont culturellement biaisés, choisir des partenaires en recrutement qui osent promouvoir la diversité en emploi, intégrer un programme d’accès à l’égalité, adhérer à un modèle de gestion de la diversité, sanctionner les propos racistes et les attitudes xénophobes, valoriser et encourager les points de vue différents, offrir de la formation sur la diversité, etc.
Bref, il faut s’ancrer davantage dans des valeurs de tolérance et d’ouverture d’esprit, valeurs dont les professionnels des ressources humaines doivent être les défendeurs et même les promoteurs. Dans les années 1600, Isaac Newton a dit : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts ». Il est dommage de constater que cette citation est encore d’actualité près de 400 ans plus tard… Chers lecteurs, je vous encourage, en ce début d’année 2016, à construire des ponts…
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