Gestion des talents et gestion des ressources humaines : même concept?

Faites-vous partie de ces gestionnaires qui observent leurs équipes en se disant que vous ne disposez d’aucune relève interne? Ou encore, votre entreprise a-t-elle la réputation d’être une pouponnière pour de jeunes talents prometteurs, qui vous quittent sans que vous n’ayez eu l’occasion de bénéficier de votre retour sur investissement? Dans les deux cas, la façon dont vous gérez vos talents est probablement inadéquate!

Il nous semble à priori opportun de distinguer « talents » et « ressources humaines », puisque la notion de gestion des talents est relativement récente dans la littérature et peut aisément porter à confusion. En effet, tandis que les ressources humaines désignent l’ensemble des membres du personnel d’une organisation, la notion de talents fait référence :

  1. « Au savoir-faire, aux compétences et aux capacités d’un individu;
  2. À l’individu même qui possède des connaissances, des compétences et des capacités particulières dans un domaine donné;
  3. À un groupe d’individus dans une entreprise » 1 ;
  4. À un employé à haut potentiel.

Ainsi, la gestion des talents est un processus complexe, distinct de la gestion des ressources humaines dans son ensemble et ne peut être improvisée. Puisque les employés dits talentueux ou à haut potentiel ne représentent généralement pas plus de 25% de la population au sein d’une entreprise, l’un des défis principaux consiste à effectuer une gestion différenciée de ces individus tout en maintenant l’engagement du reste des troupes. Cela vient à l’encontre du modèle pratique actuel de la gestion des ressources humaines, qui vise habituellement la justice et l’assurance que tous auront droit au même traitement. Malheureusement, ce nouveau paradigme a encore de la difficulté à tracer sa voie au sein des entreprises québécoises, puisque culturellement, le Québec est toujours réticent à la reconnaissance d’une quelque forme d’élite, particulièrement dans le monde du travail. Or, il faut le reconnaître : certains employés ou groupes d’employés apportent une contribution nettement supérieure à la performance organisationnelle que celle de leurs collègues! Est-ce que cela signifie que les employés, qui ne peuvent être qualifiés de talentueux ne contribuent pas au succès de l’entreprise et ne méritent pas d’être développés, soutenus et valorisés? Bien sûr que non! Toutefois, nier cette réalité peut mener à de coûteuses erreurs de management.

La première erreur consiste à croire que tous les postes de l’organisation devraient être occupés par des individus à haut potentiel ou talentueux. En fait, cela n’est ni approprié, ni souhaitable. Ainsi, dans la foulée de la pénurie de talents imminente, plusieurs grandes organisations ont entrepris de recruter massivement de jeunes talents et de les développer, sans se questionner suffisamment sur leur capacité à les satisfaire à moyen et long terme. Les employés à fort potentiel occupent aujourd’hui des postes de haut niveau de plus en plus jeunes laissant de moins en moins de place aux jeunes recrues tout aussi ambitieuses. Ces derniers, qui observent que leur patron et que le patron de leur patron sont âgés dans la jeune quarantaine, voient peu d’avenir pour eux au sein de l’entreprise et choisissent de quitter tout simplement.

La seconde erreur consiste à associer le potentiel à une forte personnalité. Bien que la personnalité soit définitivement une composante essentielle à prendre en compte dans l’identification du potentiel, il faut reconnaître que plusieurs autres éléments sont à évaluer et qu’une personne plus réservée peut également être qualifiée de haut potentiel. Ainsi, l’identification du potentiel doit reposer sur l’observation rigoureuse et constante des comportements de l’employé et de ses réactions dans diverses situations. Représente-il bien les valeurs de l’entreprise? Sert-il bien la mission? Dépasse-t-il régulièrement et amplement les attentes de l’organisation? A-t-il une influence positive et constructive sur ses collègues? Démontre-t-il de l’intérêt à se développer personnellement et professionnellement?

Troisièmement, il ne faut pas perdre de vue que les gens talentueux ne se développent pas nécessairement de la même façon que les individus simplement compétents. Des ateliers de formation sporadiques ne suffisent pas! Ils sont habitués à un rythme d’apprentissage plus soutenu, carburent aux défis et veulent voir leurs efforts récompensés rapidement. Il s’agit de les exposer continuellement à des responsabilités toujours plus exigeantes et de leur offrir le support nécessaire tant au niveau moral qu’en terme de formation et de coaching. Cela exige du temps et des ressources! Bien entendu, la gestion des talents repose concrètement sur le développement de compétences. Cependant, adopter les mêmes stratégies de développement pour les talents et les ressources humaines constitue une erreur.

Tout est une question d’équilibre. Ce sont les entreprises qui trouveront le juste pourcentage de talents qui en sortiront gagnantes. Elles doivent revoir leurs façons de faire et arriver à intégrer la gestion des talents à leur modèle d’affaires afin d’espérer les fidéliser. Rappelez-vous que des salaires élevés permettent peut-être d’attirer les talents au sein de votre entreprise… mais ne permettent pas pour autant de les conserver!

1 Lawler (2008) et Silzer et Dowell (2010)